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Analyses de marchés

Impact des tensions géopolitiques sur les actifs risqués (Edmond de Rothschild AM)

25
Apr
2024
Le retour du risque géopolitique s’est confirmé au Moyen-Orient à la suite des frappes directes de l’Iran sur Israël pendant le week-end. Entre ces deux évènements, les investisseurs se sont focalisés sur les fondamentaux économiques et les déclarations des membres de banques centrales. Dans ce contexte de risque géopolitique et de hausse de taux, tous les actifs risqués ont corrigé cette semaine.

Le retour du risque géopolitique s’est confirmé au Moyen-Orient à la suite des frappes directes de l’Iran sur Israël pendant le week-end. S’il semble que personne ne veuille d’escalade supplémentaire, le risque reste bien présent, comme en attestent des attaques de drones en Iran dans la nuit de jeudi à vendredi.

Entre ces deux évènements, les investisseurs se sont focalisés sur les fondamentaux économiques et les déclarations des membres de banques centrales. Les ventes au détail américaines du mois de mars ont été largement supérieures aux attentes avec un rebond sur le mois de 0,7% (contre 0,4% attendu) et celles du mois de février ont été révisées à la hausse. La production industrielle du mois de mars est aussi restée solide progressant de 0,5% et revue à la hausse pour février. Ces données économiques positives ainsi que l’intervention de Jérôme Powell ont soutenu des taux souverains plus élevés. Il a reconnu que la Fed avait besoin de plus de données et de temps avant de baisser ses taux directeurs. Ainsi, moins de deux baisses de taux sont maintenant anticipées par le marché d’ici la fin de l’année. Cependant, les indicateurs avancés sont plus mitigés. Si le « Philadelphia Fed Outlook » est en forte hausse en avril, le « Leading Index » est lui en recul plus important que prévu.

Du côté de la BCE, Christine Lagarde a de nouveau affirmé que sa politique monétaire ne dépendait pas de la Fed. Francois Villeroy de Galhau a aussi confirmé que la baisse des taux se rapprochait. Ainsi, le marché anticipe maintenant une action de la BCE avant la Fed et 3 baisses de taux d’ici la fin de l’année.

En Chine, la publication du PIB pour le premier trimestre était supérieure aux attentes mais les chiffres du mois de mars montrent un tassement de la croissance laissant penser que le rythme de janvier et février n’est pas soutenable. Les ventes au détail ont déçu à +3,1% en glissement annuel en mars (+4,8% attendu) et l’investissement immobilier continue de se contracter.

Dans ce contexte de risque géopolitique et de hausse de taux, tous les actifs risqués ont corrigé cette semaine. Nous en profitons pour les re-pondérer progressivement dans la mesure où nous avons précédemment réduit tactiquement nos expositions. En effet, d’un point de vue technique, cette baisse des actions a permis un certain dégonflement des positionnements extrêmes. D’un point de vue fondamental, l’économie américaine reste à l’écart de la récession, ce qui est confirmé pour l’instant par les premières publications de résultats pour le premier trimestre 2024. Et en Europe, les résultats sont déjà attendus en forte baisse par rapport au premier trimestre 2023, rendant possibles des surprises positives. Sur les marchés de taux, nous conservons notre préférence pour le rendement et la duration.

Actions européennes

Semaine compliquée pour les marchés européens qui affichent une forte correction après des mois de hausse. En effet la remontée des taux souverains en Europe, emportés entre autres par un effet de contagion des données économiques aux US faisant douter sur le timing de baisse des taux à venir, et un risque géopolitique au Moyen-Orient qui plane plus que jamais. Les déclarations relativement hawkish de certains membres de la BCE, à l’instar de Robert Holzmann et Joachim Nagel, viennent exacerber ce mouvement en appelant à la prudence sur les coupes de taux à venir. Une bonne nouvelle toutefois, le léger repli des craintes géopolitiques au cours de la semaine aura participé à une baisse des cours du baril autour de 87 dollars. L’or fait toujours figure de valeur refuge et profite naturellement de ce contexte d’incertitude, avec une hausse de l’ordre de 15% depuis le début de l’année, porté également par son achat massif par les banques centrales émergentes.

D’un point de vue sectoriel, seuls les secteurs des biens de consommation et de l’alimentation et boissons tireront leur épingle du jeu tandis que le reste sera dans le rouge. Plus particulièrement, on trouvera en bas du peloton l’énergie, qui subit la redescente des prix du baril, ainsi que la technologie plombée par la publication d’ASML.

En effet bien que ses résultats soient légèrement supérieurs aux attentes grâce à une meilleure rentabilité, le chiffre d’affaires et surtout la faiblesse du carnet de commandes d’ASML ont nettement déçu les investisseurs. Le chiffre d’affaires du premier trimestre de l’année ressort à 5,29 milliards d’euros au lieu de 5,457 attendus par le consensus, tandis que les prises de commandes s’établissent à 3,611 milliards d’euros contre 5,10 attendus.

Après l’avertissement lancé par Kering le mois dernier, et sur une note plus positive, LVMH montre une meilleure tenue que ce que les investisseurs pouvaient craindre. Le groupe publie un chiffre d’affaires du premier trimestre 2024 à 20,69 milliards d’euros contre 21,03 attendus. Un chiffre légèrement décevant mais surtout causé par la division vins et spiritueux tandis que les autres divisions signent des performances en croissance et en ligne avec les attentes.

Enfin, sur le segment plus retail, Adidas se voit salué par des résultats supérieurs aux attentes et un relèvement de ses perspectives de croissance. La marque montre une hausse de ses ventes sur le premier trimestre de +8% à taux de change constant, mais surtout une nette augmentation de sa marge brute en hausse de +6,40% YoY. La marque bénéficie toujours de ses stocks de Yeezy, avec une valeur de près de 500 millions d’euros, restant à écouler sur les prochains trimestres.

Actions américaines

Première semaine de réelle correction sur les marchés, au lendemain de l’attaque Iranienne en Israël du samedi 13 avril. Les tensions géopolitiques entrainent un mouvement de vente : le Nasdaq 100 corrige de 5%, effaçant sa surperformance relative retrouvée la semaine dernière. Le S&P500 est en baisse de 3,3%, tandis que le Russell 1000 Value recule de 2,5% : le retour des craintes inflationnistes favorise la value, tandis que la tech a été pénalisée par la correction sur les semis, suite aux chiffres décevants de l’Européen ASML.

La plupart des grandes banques américaines ont publié leurs résultats durant la période : peu de surprise, les résultats sont assez positifs dans l’ensemble, portés notamment par une très bonne activité sur les segments Investment Banking : Goldman Sachs profite d’une reprise de la M&A, Citigroup de commissions élevées sur l’émission d’actions & obligations. En revanche, celles-ci s’attendent à une baisse du Net Interest Income sur l’année complète. Wells Fargo et US Bancorp notamment, rendent compte d’un coût de financement plus élevé que prévu en raison de la résilience des taux. Du côté des assureurs, le secteur corrige suite aux résultats de Travelers, dont les EPS déçoivent en raison des forts coûts engendrés par les vents & tempêtes aux US. Constat opposé pour Allstate : l’assureur encaisse moins de pertes que prévues liées aux catastrophes naturelles ; le titre grimpe en conséquence.  L’opérateur de casino Las Vegas Sands corrige en raison d’une faiblesse sur la catégorie «mass market », ainsi qu’en raison des coûts engendrés par leurs opérations de rénovation à Macao. Au sein des médias, Netflix publie à nouveau de bons résultats sur le premier trimestre. En revanche, les investisseurs n’ont pas apprécié le fait que le géant du streaming arrête désormais de reporter la croissance de ses abonnées : le titre termine en baisse en pré-marché.
Du côté de la santé, UnitedHealth rebondit fortement de son point bas, suite à sa publication au-dessus des attentes pour le premier trimestre.

Marchés émergents

L’indice MSCI EM a cédé 2,2% cette semaine à la clôture des marchés jeudi, dans le sillage d’une correction mondiale liée à l’escalade des tensions au Moyen-Orient. La Chine a surperformé, avec un recul de seulement 0,98%. Ce sont le Brésil et Taïwan qui ont le plus souffert, avec des replis respectifs de 3,17% et 2,81% en USD. L’Inde et la Corée ont également perdu du terrain, respectivement 2,14% et 2,08%
En Chine, la croissance du PIB du premier trimestre a été supérieure aux prévisions, tandis que les données d’activité du mois de mars ont été nuancées. La croissance du PIB au premier trimestre 2024 est ressortie à 5,3%, un rythme supérieur aux estimations du consensus (4,8%). La production industrielle en mars a augmenté de 4,5% en glissement annuel (GA), contre 7,0% en GA en janvier-février. Les investissements en capital fixe ont crû de 4,5 % en GA et ont été légèrement supérieurs aux estimations (4,0%). Les ventes de détail pour le mois de mars ont progressé de 3,1% en GA, alors que le consensus tablait sur +4,8 %. Les nouveaux prêts en RMB émis en mars 2024 ont atteint 3.090 milliards de RMB, contre 3.890 milliards de RMB en mars 2023. Les prix des logements ont encore baissé, mais plus lentement. Le gouvernement a publié les modalités de son programme de reprise des produits de consommation, notamment les voitures et les appareils électroménagers. L’État a demandé à ses opérateurs de télécommunications de supprimer progressivement les puces étrangères de leur réseau d’ici 2027. La Chine et l’Allemagne prévoient d’élaborer des règles relatives aux véhicules à énergie nouvelle (VEN).

Le secrétaire d’État américain Antony Blinken se rendra en Chine le 23 avril pour un voyage de quatre jours. CATL a publié ses résultats pour le premier trimestre, avec un bénéfice net supérieur aux attentes et des flux de trésorerie soutenus. Midea a acquis la division climatique d’Arbonia pour 760 millions d’euros, renforçant ainsi son exposition à l’international et aux systèmes de chauffage, de ventilation et de climatisation (HVAC). En Corée, le gouverneur de la banque centrale a évoqué la possibilité d’une baisse des taux d’intérêt dans le courant de l’année. Samsung est en passe d’obtenir jusqu’à 6,4 milliards de dollars de subventions des États-Unis pour la construction de ses usines de fabrication de puces.

À Taïwan, TSMC a fait état d’un trimestre solide, dépassant les prévisions de chiffre d’affaires et de bénéfices grâce à une forte demande pour les puces dédiées à l’intelligence artificielle. La direction a toutefois revu à la baisse ses prévisions de croissance pour le secteur des semi-conducteurs, ainsi que ses perspectives de marge brute, en raison de l’augmentation du coût de l’électricité et de l’effet de dilution des marges dû à la montée en puissance des puces 3nm.

En Inde, l’IPC global a ralenti à 4,85% en mars, tandis que l’IPC sous-jacent est retombé à 3,2%. La balance commerciale des marchandises s’est résorbée en mars, à -15,6 milliards de dollars, contre -18,7 milliards de dollars en février. Tesla a signé un accord avec Tata Electronics pour s’approvisionner en puces pour semi-conducteurs. Jio Finance a annoncé la création d’une coentreprise à parts égales avec BlackRock dans le domaine de la gestion de patrimoine. TCS a fait état d’une croissance de son chiffre d’affaires en ligne avec les attentes et d’une nette amélioration de ses marges. Infosys a publié des résultats inférieurs aux anticipations et a annoncé des prévisions décevantes pour 2025 en raison de l’atonie de la demande discrétionnaire. Bajaj Auto a annoncé un chiffre d’affaires et un EBITDA meilleurs que prévu, grâce à une gamme de produits renouvelée.  Près d’un milliard d’Indiens ont par ailleurs commencé à voter à l’occasion des élections législatives qui vont durer plus de six semaines.

Au Brésil, le gouvernement a soumis au Congrès une révision du budget, qui ramène l’excédent budgétaire de 0,5% à 0% (alors que le marché s’attendait à un déficit de -0,5%).  La production de minerai de fer de Vale a dépassé les estimations grâce à la bonne performance de ses mines. La société de distribution d’eau Sabesp est en voie de privatisation.

Au Mexique, le gouvernement fédéral n’a pas annoncé de nouvelles mesures d’incitation (terrains publics à faible coût ou réductions d’impôts pour les investissements dans la production de VE). Selon Reuters, le Bureau du représentant américain au commerce fait pression pour que les constructeurs automobiles chinois soient exclus de la zone de libre-échange établie dans le cadre de l’accord de libre-échange nord-américain. Banorte a publié des résultats solides pour le premier trimestre 2024, grâce à une marge nette d’intérêt stable, à la qualité confirmée de ses actifs et à des commissions élevées. La banque a aussi annoncé un ROE solide de 22% et un ratio CET1 de 15,5%.

Dettes d'entreprises

Crédit


Encore une semaine où les données macro et les discours des banquiers centraux auront mené le bal sur les marchés obligataires. Aux Etats-Unis, avec des ventes au détail qui ont largement surpris à la hausse, un marché de l’emploi toujours très fort, et une inflation qui s’ancre autour de 3,5%, les taux sont repartis à la hausse retouchant les plus hauts depuis le début de l’année à 4,65%. Jerome Powell lui-même n’a plus semblé pressé de baisser les taux et le marché repousse désormais les baisses de taux de la Fed à juillet au mieux, sinon à septembre. En sympathie les taux européens connaissent également la même tendance avec le taux 10 ans allemand retouchant 2,50%, son plus haut niveau depuis fin novembre 2023. La première baisse de taux coté BCE reste anticipée pour juin.

Coté crédit, les primes ont légèrement pâti de cette douche froide sur les taux, avec des primes sur les bonnes notations qui reviennent vers 115bp (+5bp), et sur le haut rendement les obligations s’échangent désormais sur des niveaux de prime proche de 370bp (+10bp), effaçant une partie du trend de resserrement de l’année. Sur les subordonnées financières même tendance avec un léger écartement des primes sur les coco euro à 560bp. A noter que les calls continuent de s’effectuer de façon prévisible et ordonnée comme souligné par le rappel ce jour de la Coco 8% en USDde UniCredit par anticipation à sa première de date de rachat.

Sur le haut rendement le marché primaire est toujours actif avec notamment les nouvelles émissions de Carnival croisière (B) qui émet cette semaine 500 millions d’euros à échéance 2030 à 5,75%, Boels Rental (BB-) à 5,75% de coupon pour 600 millions d’euros à maturité 2030, Flutter Entertainment (BB+) à 5% pour 500 millions d’euros, à maturité 2029, et Techem (B+) à 5,375% de coupon pour 500 millions d’euros également maturité 2029.

Du 12 au 18 avril, pénalisé par les taux le segment Investment Grade perd 0,66% et rebascule légèrement dans le négatif sur l’année à -0,25%. Plus court en sensibilité, le haut rendement ne perd que 0,35% mais s’inscrit à +1,35% depuis le début de l’année en raison de la bonne tenue des primes.

Convertibles


Le marché des obligations convertibles affiche une performance négative sur la semaine liée à la fois aux tensions géopolitiques au Proche-Orient et à la hausse des taux d’intérêt US. Les chiffres de l’inflation supérieures aux attentes ainsi que les commentaires des banquiers centraux ont réduit la probabilité de voir une baisse des taux lors de la réunion de Juin.

Dans cet environnement, le secteur technologie US affiche une performance négative à l’image de Zscaller qui perd  5% sur la semaine. Nous mentionnerons aussi la forte correction des titres liés au Bitcoin comme Microstratégie avec -20% et Coinbase avec -10%. Ces deux valeurs avaient émis des convertibles lors du précédent trimestre.  
En Europe, LVMH a rassuré le marché avec des ventes en ligne avec les attentes des investisseurs. Cela a permis aux valeurs du luxe de rebondir. Le secteur des semi-conducteurs a baissé sur la semaine après que les commandes d’ASML ont été inférieures aux attentes.

En cette période d’aversion au risque, le marché primaire a été encore très calme cette semaine avec une petite émission de la part de la société de parapharmacie Suisse Docmorris pour 200 millions de francs suisses échéance 2029 avec un coupon de 3% et une prime de 35%.

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