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Analyses de marchés

La Fed et les marchés : je t'aime, moi non plus (Ecofi)

7
May
2024
La Fed a laissé sa politique monétaire inchangée au 1er mai dernier. Quels éléments pourraient amener la Banque centrale américaine à baisser ses taux ?

Jerome Powell n’en finit pas de surprendre. Après avoir anticipé près de sept baisses de taux en début d’année, les marchés ont ensuite largement revu leur copie, puisqu’ils n’en prévoient plus qu'une à deux désormais. Avant la réunion de la Fed de mercredi dernier, l’éventualité d’une hausse de taux avait même timidement commencé à se former dans les cours. Lors de la conférence de presse et face aux questions, Jerome Powell s’est finalement montré plutôt confiant, alors que l’on craignait un durcissement de son discours. Ce qui nous amène à la question qui tourne en boucle depuis des mois : quels éléments pourraient amener la Banque centrale américaine à baisser ses taux ?

La politique monétaire de la Fed en mai reste inchangée

Sans surprise, la Fed a laissé sa politique monétaire inchangée lors de sa réunion du 1ᵉʳ mai dernier. Elle a néanmoins décidé de ralentir le rythme de réduction de son bilan à partir du mois de juin. Jerome Powell a par ailleurs balayé l’hypothèse d’une hausse des taux, la jugeant peu probable. Il estime en outre que le niveau actuel est restrictif, même s’il n’a rajouté qu’à demi-mot le terme « suffisamment ». L’institution juge par ailleurs l’activité solide. Les données d’inflation publiées sur les trois premiers mois de l’année ont en revanche été décevantes, mais cela n’a, semble-t-il, que peu émoussé sa confiance vis-à-vis de la trajectoire de désinflation. Il en ressort donc que la Fed dispose du luxe d’attendre que les données d’inflation s’accumulent, afin de décider du moment opportun pour abaisser ses taux.

Croissance en demi-teinte au 1ᵉʳ trimestre 2024 : Analyse des chiffres économiques américains

Au 1ᵉʳ trimestre 2024, la croissance du PIB américain est ressortie à 1,6 % en rythme annualisé alors que le consensus en attendait 2,5 %. Dans le détail, les chiffres ont montré que les consommateurs se sont détournés des "biens" pour se reporter vers les services. L’investissement est resté relativement solide. Dans le même temps, le phénomène de désinflation a stagné. Il est toutefois utile de souligner qu’une grande partie de la persistance de l’inflation s’explique par la composante des loyers et par des facteurs spécifiques (frais d’assurance et de réparation automobile, services financiers…). Le marché de l’emploi, lui, se rééquilibre. Le nombre d’emplois non pourvus diminue, tandis que les taux d’embauches et de démissions se normalisent. La progression salariale montre également une franche modération depuis les plus hauts observés. Enfin, les créations nettes d’emplois ont été moins nombreuses et encore moins diffuses qu’à l’accoutumée en avril, ce qui s’est par ailleurs reflété dans les anticipations de marché.

Baisser les taux ? Les 3 scénarios de Powell

Telle est la question. Jerome Powell a évoqué trois scénarios.

Scenario 1 : Une absence de progrès en matière de baisse de l’inflation

Pas de baisses de taux dans ces conditions. Pas de hausses de taux envisagées non plus, à ce stade.

Scenario 2 : Une poursuite de la désinflation

Cette poursuite de la désinflation, accompagnée d’une plus grande confiance sur la possibilité d’atteindre la cible des 2 % à moyen terme. Cette situation justifierait des baisses de taux.

Scenario 3 : Une dégradation inattendue du marché du travail

Elle coïnciderait également avec une baisse des taux.

Une autre possibilité n’a toutefois pas été soulevée, celle d’une détérioration du marché de l’emploi, couplée à une persistance de l’inflation, sans doute pour éviter d’avoir à évoquer ce casse-tête. Selon nous, la Fed n’attendra pas d’atteindre les 2 % d’inflation pour baisser ses taux. Elle est cependant contrainte d’attendre l’obtention de preuves supplémentaires montrant que la désinflation à venir n’est pas remise en cause. La composition actuelle de l’inflation n’est pas comparable avec celle de 2022-2023. Le rééquilibrage du marché de l’emploi, la décélération de la partie "loyers" au sein des indices de prix, l’atténuation des effets spécifiques et le ralentissement progressif de la consommation des ménages, nous incitent à envisager une poursuite de la désinflation. D’autre part, nous pensons que le risque d’une détérioration insidieuse du marché du travail est même plus élevé qu’il n’y paraît.

Pour ces raisons, nous continuons de prévoir une première baisse de taux durant l’été. D’autre part, les élections américaines ne nous semblent pas être une raison valable pour contrarier les décisions de politique monétaire. D’ici là, les marchés et le consensus devraient encore se montrer versatiles…

"Il en ressort donc que la Fed dispose du luxe d'attendre que les données d'inflation s'accumulent, afin de décider du moment opportun pour abaisser ses taux"

Florent Wabont, économiste

Évolution du taux directeur effectif de la Fed et du taux à 2 ans américain

Source : Ecofi, Bloomberg, FRED (Federal Reserve Economic Data), Réserve Fédérale de New York. Le taux à 2 ans américain reflète les anticipations de politique monétaire. Données au 03/05/2024 16h00.

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