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Analyses de marchés

Dissolution et circonvolutions (Ecofi)

25
Jun
2024
Depuis l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin dernier, l’écart de rendement entre la dette française et allemande a sensiblement augmenté.

Les actions françaises ont été pénalisées en bourse. À quelques jours du premier tour des élections législatives, l’incertitude demeure élevée. Nous analysons cette semaine les événements sous un angle apolitique et tentons de dresser de possibles scénarios.

Le temps 1, correspondant à la mise en place d’une offre politique, est désormais terminé. Trois blocs majeurs ont ainsi été formés : le Rassemblement National, le Nouveau Front Populaire et Ensemble, le parti de la majorité présidentielle.

Le temps 2, consistant à dévoiler dans le détail les programmes économiques de chacun, semble encore relativement flou.

Le temps 3, relatif à la mise en place des mesures souhaitées, en fonction des résultats, n’est quant à lui pas encore d’actualité.

Au regard de l’épais voile d’incertitude qui s'est installé, la réaction des marchés financiers fut épidermique. La perspective d’un gouvernement divisé sans majorité absolue, comme semble l’indiquer les derniers sondages, a le potentiel de remettre en cause la trajectoire du déficit, et par extension le coût de financement accordé à l’État français. Cette prime de risque supplémentaire exigée par les marchés financiers s’est ainsi exprimée au travers de l’augmentation de l’écart de rendement entre le taux à 10 ans français et le taux à 10 ans allemand. À ~0,80% (au 21/06), il est ainsi équivalent à l’incertitude politique engendrée par les élections présidentielles de 2017. Il reste toutefois bien inférieur aux niveaux connus lors de la crise de la dette en zone Euro. Cet écart de rendement gravitait déjà autour de 0,50% avant l’annonce de la dissolution, soit un niveau supérieur à la moyenne habituelle, en raison de craintes concernant la soutenabilité des finances publiques françaises. Sur la période récente, il est toutefois à noter que l’accroissement de cet écart provient davantage d’une baisse du taux allemand que d’une augmentation du taux français.

A-t-on connu ces dernières années des situations plus ou moins similaires ?

Deux parallèles récents semblent ressortir : l’élection de Giorgia Meloni en Italie et le stress financier induit par les annonces du gouvernement de Liz Truss en Angleterre. Il est toutefois important de ne pas avoir le parallèle historique facile. D’autre part, il est tout aussi important d’inscrire cet événement dans un contexte économique et monétaire plus global.

Un scénario à l’Italienne ?


La perspective de l’élection de Giorgia Meloni, candidate issue d’un parti d’extrême droite, avait eu pour conséquence d’accroître l’écart de rendement entre l’Italie et l’Allemagne. Force est de constater que son arrivée au pouvoir n’a finalement pas été synonyme de remise en cause de l’appartenance de l’Italie à l’Union européenne. Son programme n’a pas non plus été mis en œuvre dans son intégralité. S’agissant de la situation française, c’est sur une forme de scénario à l’italienne que semblent actuellement tabler les marchés.

Ce parallèle souffre néanmoins d’un bémol, qu’il est crucial d’intégrer à l’analyse. L’élection de Georgia Meloni a peu ou prou coïncidé avec le creux conjoncturel de l’économie italienne. Le redressement économique subséquent a permis au ratio dette/PIB de diminuer mécaniquement grâce à la croissance de l’activité, couplée aux poussées inflationnistes. La France, fait aujourd’hui face à un environnement moins porteur, avec un redressement timide de la croissance et une inflation qui a considérablement régressé.

Un scénario à l’anglaise ?


En septembre 2022, le plan de relance dévoilé par le gouvernement de Liz Truss a mis en avant plusieurs mesures de dépenses budgétaires, dont les potentielles conséquences sur le déficit public ont été jugées déraisonnables par les marchés. Par défiance, la livre s’est dépréciée et les rendements obligataires ont fortement augmenté, conduisant la Banque d’Angleterre à intervenir pour assurer la liquidité. Après seulement 44 jours, la Première ministre a finalement été remplacée par Rishi Sunak.

Dans un cas de figure où l’un des deux grands blocs d’opposition venait à emporter la majorité absolue, il n’est pas improbable qu’un certain nombre de mesures, susceptibles d’accroître le déficit public et l’inflation, puissent être passées. Les marchés pourraient, dans ce contexte, accorder un prix du risque plus élevé à la signature française, en peu de temps.

De l’importance d’inscrire cet événement dans un contexte économique et monétaire


Les statistiques parues le 12 juin dernier ont montré que le phénomène de désinflation avait repris son cours aux États-Unis. Les taux américains se sont détendus, dans le sillage d’une augmentation de la probabilité en faveur d’une baisse de taux de la Fed en septembre. Cette séquence a également été favorable pour les taux européens, malgré les incertitudes politiques.

Il est également à noter qu’une embellie conjoncturelle semble se former en zone euro, timidement, mais sûrement. Il est difficile d’estimer l’impact économique de ces événements sur le profil de croissance de la France, tant que l’incertitude demeure s’agissant des résultats définitifs des élections. En revanche, en cas de crise de confiance généralisée, une moindre consommation des ménages et un report de l’investissement de certaines entreprises seraient à anticiper. En outre, et contrairement au moment de la crise de la dette en zone euro, la BCE vient d’enclencher un mouvement de baisse de taux. L’expérience des événements de 2011, et plus récemment encore de l’Italie, ont permis le développement d’un certain nombre d’outils, susceptibles d’être utilisés en cas de force majeure (i.e. accroissement trop important entre les taux français et allemand). Il s’agit d’une capacité de dissuasion à l’égard des marchés financiers. L’emploi de ces outils ne serait toutefois pas neutre en matière de sérieux budgétaire imposé à la France.

À ce stade, notons que le stress financier induit par l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale semble circonscrit à la France, et dans une moindre ampleur à la zone euro. L’écart de rendement entre la France et l’Allemagne pourrait rester élevé quelque temps encore, du fait de l’incertitude engendrée et la perspective d’une absence de majorité clairement définie à l’Assemblée, mais aussi en raison de la trajectoire des finances publiques.

Quelle allocation d'actifs ?


Enfin, compte tenu de notre scénario central - qui table sur une poursuite de la désinflation, couplée à un nombre de baisses de taux BCE supérieur aux anticipations du marché - nous maintenons une vue positive sur la classe d’actifs des obligations souveraines de la zone euro, de même que sur celle des obligations d’entreprises de qualité Investment Grade. S’agissant des actions, nous optons pour une prudence à court terme, mais demeurons positifs sur un horizon 6 mois.

À ce jour, sur la base des derniers sondages, l’hypothèse d’une majorité absolue pour l’un des trois blocs n’est pas le scénario le plus probable. En cas de la matérialisation d’une telle occurrence, notre positionnement pourrait être révisé.

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